dimanche 13 novembre 2011

Stéphane Hessel

Stéphane Hessel
TOUS COMPTES FAITS ... OU PRESQUE


! Les meilleurs pour faire la paix se sont les guerriers !



Pour illustrer ce concept, Carrière cite ce beau vers d'un hymne shivaïte du V ou VI siècle de notre ère : « L'immobile se disperse et le mouvant demeure. » Le mouvement en soi a une qualité. Et ce mouvant demeure. Tout ce que nous déclarons immobile, stable, durable se disperse finalement.
Nous autres Occidentaux sommes quand même attachés à l'idée de cible, de but. Notre histoire est linéaire et nos religions, quand elles n'attendent pas la fin du monde ou le retour d'un Messie, attendent la croissance - qui n'est elle-même d'ailleurs rien d'autre qu'une ligne. Nous essayons toujours d'atteindre une cible.
Mais alors, qu’attend-on ? Je sens à travers cette question que le problème de l'engagement va se poser en des termes différents. Si d'une certaine façon tout est toujours parfait, et que l'impermanence rende caduque mon opinion ou ma vision du problème dès que je l'ai formulée, alors comment faire pour tout à coup se concentrer sur tel problème d'une crise économique, de l'indépendance d'un pays, d'un peuple soumis et torturé - comment faire pour porter toute notre énergie là-dessus ?
Ernst Jünger dans son Waldganger1 considère que la sérénité personnelle n'est pas tenable dans un monde qui souffre- on n'ouvre pas des salles de yoga quand on torture nos frères aux étages inférieurs. Et Jean-Claude Carrière pose aussi lui-même la question : si l'on veut agir, il faut être très concret, concentrer toutes nos forces, être soi-même, développer des arguments. Comment alors concilier ces deux injonctions qui semblent contradictoires, l'indignation nécessaire à la mise en branle d'une volonté et l'équanimité d'une conscience réalisée ?
Il y a néanmoins, selon moi, une conciliation possible. Je reste par définition très attaché à l'idée que nous avons à
Faire des choses dans un monde qui va mal. Mais si on part de cette sérénité acquise, peut-être en vient-on à considérer qu'il est possible d'agir, de faire ce qui est nécessaire et voulu, avec toute son énergie - et le sentiment, la certitude, qu'on ne sort de cet état que pour y revenir une fois l'action accomplie.
Par conséquent, il ne faut rien faire qui puisse nous condamner à perdre cet équilibre. D'où la nécessité de l'action non-violente, du dialogue, de la négociation L'action du Dalaï-lama à la tête de la résistance nationale tibétaine est une assez bonne illustration de cette pratique : il est le seul qui ait réussi, tout de même, et depuis très longtemps maintenant, à faire qu'il n'y ait eu aucun attentat terroriste commis par les Tibétains à l'égard des Chinois. Et cela malgré les tentations et les groupes d'activistes qui voudraient manifester, de façon très vaine et suicidaire, leur antagonisme à l'égard du pouvoir chinois. Il a toujours réussi à les calmer et même à dire qu'il prie pour les Chinois. Il dit tout Le temps. Il dit qu'il y a du bon dans les Chinois. Il aura laissé une trace qu'on peut appeler « exemplaire» à ce sujet. Pour moi, ce fut un grand plaisir de le rencontrer tout récemment, le 13 août 2011 à Toulouse, et d'avoir l'occasion d’échanger des propos entre hommes de bonne volonté.

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